PALESTINE- Je
m’appelle Udi Segal, j’ai 19 ans, je viens du Kibbutz Tuval au nord
d’Israel, il y a quelques mois j’ai signé la lettre des objecteurs de
conscience 2014 qui fut envoyée au premier ministre, à ce jour, elle a
été signée par 130 déserteurs. Dans la lettre nous déclarions notre
refus de servir dans l’armée israélienne. La principale raison est
l’occupation et l’oppression continue du peuple palestinien, qui
s’exprime par des allocations sociales inégales, le mépris des droits,
et le meurtre continu de plus de 600 personnes dans la dernière
opération à Gaza [2]. De plus, le service militaire contribue au militarisme israélien. Moi par exemple, en tant qu’homme, juif et ashkénaze [3],
et donc plus susceptible d’avoir un impact sur la société israélienne
et de m’en sortir, car je viens d’un milieu social dominant plus enclin
au militarisme israélien, un milieu auquel je m’oppose fortement.
Même
si il n’y avait pas l’occupation, je refuserais de servir l’armée, car
elle pérennise un système politique, nationaliste et capitaliste auquel
je refuse de prendre part et qui ne profite qu’à quelques-uns. Je
ne pense pas que l’opération militaire en cours à Gaza me protège. Les
opérations militaires ne me protégeront pas, elles ne feront
qu’engendrer de nouvelles opérations militaires comme ça a été le cas
avec l’Opération Plomb durci [2008-2009] qui n’a fait que mener à l’Opération Pilier de défense [novembre 2012] et
qui continue aujourd’hui avec l’opération Bordure Protectrice, qui
elle-même mènera probablement à d’autres opérations militaires. Ce qui
protégerait serait une paix juste reconnaissant l’injustice faite aux
palestiniens. On ne pourra réaliser la paix tant qu’un peuple sera
opprimé, occupé et entouré d’un mur. Cette population n’a pas abandonné
son désir de liberté et ne se repose pas sur l’éventuelle compassion de
ceux qui l’occupent, alors ne vous attendez pas à vivre en sécurité dans
une telle situation. A ceux qui pensent quand même qu’ils me défendent,
dans une telle situation, si le prix à payer pour la sécurité est de 600 morts à Gaza, je ne suis pas intéressé par ce genre de sécurité.
Mon refus
de servir sera difficile pour ma famille. Mon frère est dans l’armée, et
il pourrait être à Gaza lorsque je me retrouverai en prison, j’espère
que cela ne créera pas de conflits insolubles… Et au delà de ça, à cause
de moi, les gens regarderont avec méfiance mes parents et mes frères.
Je pense que je contribue à la société israélienne, mais il me semble
important de préciser que mon action ne s’inscrit pas dans une vision
patriotique ou sioniste, mais dans une vision globale, une globalité qui
inclut Israël. Je pense que l’occupation est un obstacle et qu’elle est
dommageable pour les israéliens.
Beaucoup
d’amis de mon âge se sont enrôlés dans l’armée. Je viens moi-même d’un
milieu militariste, mon école a un des plus forts pourcentage de
recrutement dans le pays [4]. Oui,
il y a de nombreuses personnes qui ont arrêté de m’adresser la parole et
qui m’ont mis à l’index suite à mon choix. Mais il s’agit peut-être
d’un bon tri dans mes amitiés, puisque j’ai aussi des amis qui se sont
enrôlés et qui sont restés à mes cotés. J’ai choisi d’aller en prison
parce que malheureusement, les israéliens écoutent plus facilement ceux
qui sont prêts à se sacrifier et à payer le prix. La prison va me
retirer ma liberté, c’est quelque chose de difficile à appréhender car
je n’ai connu jusque là que le dehors, dans une liberté toute relative.
De plus, pour ceux qui refusent l’occupation, les conditions de
détention peuvent être particulièrement dures, comme le montre l’exemple
d’Uriel Ferera, emprisonné récemment. Il a refusé de porter l’uniforme
et subit des humiliations en raison de son milieu traditionnel.
L’objectif
qui sous-tend ma désertion est d’en finir avec l’occupation. Mais
compte tenu de la réalité présente, ce qui importe maintenant est que
les israéliens ouvrent leurs yeux, qu’ils réfléchissent au sens de
l’occupation et à ce que cela signifie de servir dans l’armée,
particulièrement les adolescents qui se rapprochent de la conscription.
En
ce qui concerne l’opération en cours à Gaza, j’appelle les soldats de
base et les réservistes à refuser les ordres et à ne pas participer au
massacre.
Udi Segal.